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Au croisement de la rue des Archives et de Sainte-Croix de la Bretonnerie, la nouvelle boutique John Galliano prend ses quartiers d’automne dans un écrin conçu par Franklin Azzi, en collaboration avec l’Atelier Franck Durand. S’inscrire au mieux dans cet axe emblématique du Marais, et composer avec le renouveau d’une marque de luxe, tels sont les enjeux de ce projet pour l’architecte qui n’en n’est pas à son coup d’essai : Christophe Lemaire, Isabel Marrant, Bali Barret, ou encore Jérôme Dreyfuss lui ont déjà fait confiance pour créer le concept de leurs boutiques à travers le monde. Ce lieu se démarque toutefois des précédents projets de Franklin Azzi, il revisite ici les codes du luxe et déploie une grande richesse de matériaux.
Les anciens locaux, occupés par un salon de coiffure, présentaient une façade inexistante. Franklin Azzi l’habille d’un manteau de bois laqué noir, développant une modénature d’influence victorienne, en accord avec la maison John Galliano et les préconisations des architectes des bâtiments de France. Moulures aux angles, menuiseries ajourées, frise décorative, bandeau de l’enseigne accueillant une marqueterie de laiton à fleur de bois, stores brodés, la façade d’esprit londonien devient alors un signal fort, puisqu’inscrite dans une certaine tradition mais elle rompt pourtant avec l’esthétique haussmannienne qui l’entoure. Un objet indépendant, exprimant un contraste formel, et préservant le mystère qu’il abrite.
La boutique a été imaginée comme un appartement, un univers intime et hétéroclite, à la jonction de multiples influences. « Ce projet est très représentatif de l’héritage hybride des architectes et designers de ma génération. C’est un cadavre exquis d’influences, de décorations. Si la façade est clairement d’inspiration victorienne, les intérieurs sont plutôt comme un appartement des années 1960, avec de la moquette et des fauteuils vintage, mais aussi avec une citation directe de Gio Ponti et ses accordion walls, des sols en béton coulé très contemporains, des corniches en staff mouluré plutôt classiques… » déclare Franklin Azzi.
Outre cette imbrication d’époques, le projet brille aussi par la richesse et l’abondance des matériaux employés. L’enveloppe minimale se décline autour d’un nuancier de blancs patinés et gris vibrants, que l’on retrouve dans l’enduit des murs, le béton des sols, le staff des corniches et le lin des cloisons. Les angles et les arêtes des espaces sont sertis de laiton, alliage que l’on retrouve dans les lampes 60’s chinées au Marché Paul Bert. Les menuiseries et rangements sont en chêne teinté, un bois sobre, à la géométrie fonctionnelle, sans décors et pleinement au service des accessoires. Les salons d’essayage sont tapissés de moquettes chatoyantes en rose quartz et ambre pour les femmes et bleu gravier pour les hommes. Des pierres de lave émaillée ornent un des murs et des étagères, marquant discrètement l’espace de teintes céladon, aussi présentes dans le cuir couvrant le comptoir. Cette richesse des matières et des traitements révèle tout le savoir-faire d’artisans compagnons appelés sur le projet.
C’est la première fois que Franklin Azzi, habituellement fidèle au minimalisme, utilise autant de couleurs dans ses intérieurs. Ponctuant la boutique, elles sont dictées et nuancées par les matériaux qu’elles imprègnent, dans une écriture sobre et raffinée.
Absence de façade, manque de luminosité et de circulations, l’espace initial devait être complètement revu. L’architecte découvre trois poteaux en fonte, révèle leur chapiteau, et effectue des percements pour plus de clarté. Là où on avait bouché des fenêtres sur cour, il pose un verre armé d’acier pour tirer tous les bénéfices de la lumière tout en préservant l’intimité du lieu. La lecture de l’espace est simple: à l’entrée les accessoires, bijoux, maroquineries, puis l’aile droite est dédiée aux hommes, l’aile gauche aux femmes, au centre le comptoir fait face à l’espace enfants. Les portants en métal fins, fixés dans le sol, définissent les circulations des clients. De grandes cloisons coulissantes en lin, inspirées des accordion walls de Gio Ponti, permettent de scénariser l’espace selon les circonstances. Elles opacifient la vue de l’intérieur depuis la rue, ou créent de nouvelles pièces pour plus d’intimité et de confort. Ainsi, le salon des robes de soirée peut être à l’envie totalement séparé du reste de la boutique. Ces partis-pris donnent une dimension domestique au projet, qui s’inscrit autant dans le renouvellement de la maison John Galliano que dans l’histoire du lieu qu’il occupe.
Franklin Azzi démontre à nouveau la volonté d’ancrer une modernité certaine dans un espace patrimonial. Opérant un contraste entre les espaces extérieurs et intérieurs, il renouvelle les codes du luxe tout en le rendant accessible. Celui-ci réside moins dans l’ostentation que dans la richesse des matériaux employés et la générosité du projet.