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Top chrono pour l’homme pressé : entrée de la gare jusqu’aux portillons d’accès 15 secondes ; trajet jusqu’aux escaliers roulants 5 secondes ; descente des deux escalators successifs, puis d’un troisième jusqu’à moins 21 mètres 90 secondes. Total : 1,55 minute de la ville au métro. La station L’Haÿ-les-Roses est la plus rapide de ses alter ego de la Ligne 14. Une ligne qui joint désormais l’aéroport d’Orly, via Saint-Lazare à la Mairie de Saint-Ouen et bientôt à la station Saint-Denis Pleyel au nord de la capitale, où s’interconnecteront outre la Ligne 14, celles 15, 16 et 17 du Grand Paris Express (GPE), un nœud intense de transports, équivalent à celui du Châtelet au centre de Paris.
Culture technique
Pour mieux comprendre, commencer par le commencement. Au début, aux premiers jours, il y a le tunnel avec le puits qui permet de le rejoindre, l’un et l’autre confiés au génie civil. Pour simplifier, les voies et les parois moulées. Butons, dalles et autres poutres devront conforter ces dernières afin de résister aux poussées formidables que les terres exercent sur elles.
Le tunnel avec ses voussoirs blancs arrive à une profondeur de 21m et pas une autre, pour mille raisons : la qualité des sols, les stations desservies avant et après, le lieu où il a été décidé de creuser…, ici mitoyen et au plus près des intérêts des trois communes riveraines : L’Haÿ-les-Roses, Chevilly-Larue et Villejuif. Au moment du concours au sein du groupement d’ingénierie mandataire (Setec et Systra) les équipes d’architectes héritent d’un vide souterrain, une sorte de gouffre à organiser et d’une émergence à concevoir. Un vrai casse-tête de par l’immense armada de la technique : ventilation, éclairage, sécurité, acoustique, thermique …, les normes, les règles multipliées non pas à l’infini mais d’un foisonnement extraordinaire, le tout répondant aux attentes de la RATP, son expertise, ses retours d’expériences sur les gares déjà construites et en exploitation, ses préconisations ultra précises concernant aussi bien les voyageurs que les personnels leurs besoins, leurs attentes, leurs pratiques, avec en tête pragmatisme et maintenance pratique, donc rapide.
Que faire de ce grouillement de réseaux, de tuyaux, de gaines, de câbles ? L’apprivoiser et l’envelopper pour clarifier et simplifier, laisser le plus de volume et d’espace aux voyageurs. Solution : deux boites séparées, celle de la gare proprement dite, celle toute modeste pour accueillir, entre autres, stockage, prise et rejet d’air. Des boites protégées, sécurisées forcément opaques qu’il serait terrible de laisser en l’état. Alors quoi ? Faire de la contrainte un atout. La gare s’enveloppe de panneaux d’inox, sur ses quatre faces, premier écrin devant lequel à faible distance (80 cm) vient une double peau de verre clair, deuxième écrin, miroir et transparence qui dévoilent à mi-hauteur, une galerie d’entretien et une ossature triangulaire de poteaux.
Pourquoi le verre ? Robuste, il résiste, se lave, se remplace, assure la pérennité de l’ouvrage mais surtout, et il faut insister, il fait de la gare un coffre semi précieux. Il est là pour refléter la ville, l’apprivoiser, entremêler sa stricte figure de parallélépipède à celle du pavillonnaire, pour faire ami-ami avec lui, s’insérer dans son histoire et la poursuivre au contemporain.
D’autant que décision cruciale des premières esquisses, son échelle est minutieusement calquée sur son environnement bâti de maisons individuelles toutes proches, alors qu’il s’étire en longueur comme les rares immeubles alentour, décidément sensible au contexte urbain, de jour avec ses constellations de reflets, de nuit encore quand il se métamorphose en photophore et devient un point de repère et de ralliement.
Lumière naturelle
Dès la marquise de l’entrée au nord, ou des deux plus modestes à l’est et à l’ouest, le corps est pris. Pourquoi, comment ? Tout un faisceau de raisons très raisonnées qu’il faut décortiquer mais qui agissent concomitamment. Le plus frappant peut-être : la lumière naturelle. Elle tombe de 17 sheds taillés en toiture et crée cette impression de courant qui emporte. Mais pas toute seule. Reflétée par les parois de métal des deux ailes à droite et à gauche du grand hall qui cachent l’armada des fluides, diffusée par l’habillage des sheds et du plafond, et encore par les garde-corps d’inox et de verre, tamisée par le granit des dalles du sol, elle crée avec eux une entité en habit de gris clair, un corps à arpenter à la fois mat et moiré. Seul obstacle à la marche en avant les portillons. Juste après les escaliers, les escalators attirent, aspirent vers les profondeurs que dévale la lumière. Jusqu’où ? Mais jusqu’au quai tout en bas. Pas d’un seul trait, mais presque. Pour inventer une telle continuité spatiale, antidote à la claustrophobie, il a fallu dégager, tailler des vides, pour laisser libre l’espace et inventer un parcours fluide donc intuitif. Facile à dire, mais pas à concevoir, quand les tonnes de terre poussent les parois moulées qu’il faut retenir en jetant entre elles des poutres et autres butons dont certains installés par le génie civil avant l’intervention de l’architecte. Peut-être la question la plus complexe du projet, résolue grâce aux savoir-faire et aux cultures croisés des maîtres d’œuvre et des ingénieurs.
Ni chichis, ni grand geste, mais des attentions. Les plafonds par exemple recouverts de panneaux facettés, dessinent un léger crantage, une manière d’éviter la dureté d’une horizontale trop raide. Les parois moulées le plus souvent masquées dans les stations de métro restent apparentes à dessein. Protégées par des mailles d’acier verticales, elles dévoilent leurs rugosités, leurs irrégularités, une certaine âpreté rappel et mémoire émouvante des travaux premiers quand pelleteuse à trépan et pompe à bentonite les bâtissaient en murailles armées d’un mètre d’épaisseur pour contenir les poussées des terres.
Confort
En route vers la sortie, dès les premières marches des escaliers roulants ou non, un peu d’attention permet d’apprécier l’environnement acoustique, son contrôle. Même si les rames sont bruyantes, matériaux perforés, absorbants, plafonds facettés apaisent les bruits, permettent de tenir une conversation et de comprendre - une fois n’est pas coutume dans les stations de métro - les messages diffusés. Précieuse intelligibilité.
Aperçue en descendant, mais peut-être trop pressé pour la contempler, l’œuvre du Studio Nonotak, avec Noemi Schipfer et Takami Nakamoto habitués des dispositifs cinétiques, trouve une singulière correspondance avec l’architecture, rejoint et complète par sa géométrie celle de droites et d’obliques de la gare. Grâce à un éclairage programmé, des barres de leds dessinent des figures mouvantes. Un cercle surtout, soleil de métal strié de lueurs et d’ombres qui s’élève et descend juste au-dessus des têtes.